mardi 16 octobre 2012

Donner ou ne pas donner

 


Mendiant accroupi - XXVIIIème - G. Traversi
 
 
                « Il faut supprimer les mendiants car on s'irrite de leur donner et on s'irrite de ne pas leur donner. » (Aurore)
      J'ai toujours apprécié l'ire humoristique de Monsieur Nietzche. En fait j'apprécie l'ire de qui que ce soit dès qu'elle a pour mission sacrée de chatouiller les maxillaires. Cependant Monsieur Nietzche cherchait-il vraiment à ce que nous nous bidonnassions ? J'ai peur, soudain, que le ténébreux Teuton ressentît quelque irritation sincère à la vue des mendiants. Comment lui en vouloir après tout ? Toi, soeur internaute, toi frère webesque, n'as-tu pas la même réaction contradictoire face au mendiant ?
      Hé ! ne ressens-tu pas quelque colère devant ton indifférence de surface que picote l'inactif mendigot ? Ne te rebelles-tu pas devant ton coeur qui parvient si facilement à s'anesthésier ? Bref, ne te courrouce-t-elle point, ta passivité monstrueuse, tellement opposée à tes idéaux, tes valeurs et tes rêves ?
      D'un autre côté, si tu donnes, ne ressens-tu pas une autre colère sourdre en toi ? La faiblesse et la sensiblerie dont tu as fait preuve ne te plongent-elles pas dans une humeur sombre ? Le dérisoire de ton geste, la minuscule portée de ton acte de charité, l'inutilité, somme toute, de ton attitude, cela ne te dégoûte-t-il pas ?
      J'ai minutieusement analysé ces idiosyncrasies rigolotes. Bin ouaip, pardi, pourquoi s'irriter de donner ou non au mendiant qui, lui, se moque de ces questions existentielles, se contentant naïvement, peut-être, de survivre ? Je questionne car j'imagine que toi qui me lis, gentille internaute, amène surfeur, tu brilles encore de quelque reliquat humain et te questionnes itou... Mais que je ne m'égare et revienne à mon pourquoi :
      Pourquoi ? Parce que notre rôle humain n'est pas d'accomplir un geste ponctuel devant un être en marge de la société et réduit à un état insupportable. Notre rôle humain, le seul et unique rôle dévolu à notre nature profonde, c'est de relever le frère humain en détresse, puis de le porter, un mois durant, un an durant s'il le faut, jusqu'au moment où il sera de nouveau capable d'assumer une place digne parmi les siens. Oui, point gaffe ne fis-je : notre unique rôle humain est d'agir comme aurait agi le Christ.
      Notre coeur humain le sait, notre rôle, et c'est pour cette raison qu'il est... écoeuré. Confrontés au mendiant, nous nions notre propre grandeur humaine pour des raisons plus vagues qu'un terrain. Vite ! le film va bientôt commencer, il y aura bientôt la queue au restaurant, si t'es feignant t'as qu'à crever, moi mes sous, je les ai mérités, bref tout ce qui nous a transformés en serviteurs automates d'un hédonisme sans saveur.






 

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Qu'enfin quelqu'un me quelque parte :